Dès le XIXe siècle, la répartition des principaux monuments de Tipasa fut relativement bien perçue. Les vestiges s’étendent sur une zone de près d’un kilomètre et demi d’est en ouest le long du littoral et de maximum 750 m du nord au sud, de part et d’autre du promontoire central du Ras bel Aïch, baigné par la mer sur ses deux côtés longs et facilement défendable côté terre. La ville antique de Tipasa semble s’être développée dans un premier temps à cet endroit, comme en témoignent les vestiges d’édifices publics (forum, Capitole, Curie, Basilique judiciaire), des maisons et de petits temples, le tout enfermé dans une enceinte primitive de 7 à 8 hectares. Dans un second temps, la ville se développa sur un territoire plus large de 60 hectares, ceint d’un grand rempart de près de 2,4 km de long aboutissant aux deux collines voisines : le Ras el-Knissa à l’ouest et le Koudiat Zarour à l’est. Large de 1,30 à 1,40 m en moyenne, ce rempart est flanqué d’une douzaine de tours rondes, de 23 bastions quadrangulaires inégalement répartis et de trois portes à l’ouest, au sud-ouest et à l’est de la ville. Sa construction, dont la datation a suscité de nombreux débats, remonterait au milieu du IIe siècle et serait contemporaine d’Antonin le Pieux (Gsell, 1894 ; Lassus, 1930 ; Duval, 1946 ; Baradez, 1957 ; Lancel, 1982). Les vestiges de la ville des IIe et IIIe siècles se retrouvent principalement au sud et au sud-ouest du promontoire central. Le decumanus maximus et le cardo maximus se croisent dans le quartier des grands thermes et de l’amphithéâtre. Au terminus ouest du decumanus maximus, au niveau de la porte monumentale de Césarée, se trouvent les vestiges d’un théâtre dont les pierres des gradins et du mur de scène ont été récupérées au milieu du XIXe siècle pour la construction de l’hôpital d’Hadjout (Texier, 1846 ; Gsell, 1894 ; Frézouls, 1952). Le long du cardo maximus, se développant au nord de l’amphithéâtre jusqu’au rivage, on trouve de somptueuses demeures dont la Maison des Fresques (Baradez, 1961a). Sur le Ras-el-Knissa, à l’intérieur de la grande enceinte au nord-ouest du site, se trouvait la basilique principale de Tipasa et ses dépendances (dont un baptistère et des bains), l’un des plus importants édifices chrétiens d’Afrique de par ses dimensions (Gsell, 1894 ; Lassus, 1930). Pour assurer l’approvisionnement en eau de sa population, outre quelques citernes et puits circulaires, la ville de Tipasa était alimentée par un aqueduc au parcours majoritairement souterrain, qui captait les eaux d’une rivière au sud-ouest de la ville. Il approvisionnait le nymphée ainsi qu’un château d’eau qui alimentait ensuite les différents quartiers de la cité (Gsell, 1894 ; Aupert, 1974). La grande enceinte, aboutissant à la mer, suivait la crête des deux collines extrêmes, occupées par deux importantes nécropoles chrétiennes extramuros qui ont livré de nombreux sarcophages parfaitement conservés. Un bâtiment chrétien s’élevait au sommet de chacune des deux collines : il s’agit, à l’ouest, de la basilique funéraire de l’évêque Alexandre, construite par ledit évêque en l’honneur de ses prédécesseurs, probablement à la fin du IVe ou au début du Ve siècle, tandis que se dresse, à l’est, la basilique bâtie au IVe siècle sur le tombeau de la martyre sainte Salsa (Gavault Saint-Lager, 1883 ; Saint-Gérand, 1892 ; Gsell, 1894 ; Albertini et Leschi, 1932 ; Christern, 1968 ; Lancel, 1997 ; Chayani et al., 2015). D’autres nécropoles extramuros ont été fouillées à l’ouest de la grande enceinte : une, préromaine, au sud de la basilique d’Alexandre, avec des tombes remontant aux VIe et Ve siècles avant notre ère ; une, romaine, de la fin du Ier à la fin du IIe siècle de notre ère près de la porte de Césarée ; une, tardive (du IIe siècle de notre ère au VIe), située sur la plage de Matarès à environ 500 mètres à l’ouest de la précédente (Lancel, 1968, 1970 ; Bouchenaki, 1975, 1980). Outre de petits mausolées et colombariums au cœur de la ville, deux importantes nécropoles intramuros existaient à Tipasa ; la première, de la fin du Ier siècle de notre ère, se trouve sous la Maison des Fresques ; la seconde, conservant des tombes puniques du VIe siècle avant notre ère, se trouve à l’est du port actuel (Cintas, 1948 ; Baradez, 1952, 1961b). Concernant le port antique de Tipasa, le débat relatif à sa localisation est toujours ouvert. Certains chercheurs le placent aux abords du port actuel tandis que d’autres le situent en dehors de l’enceinte, entre la côte au nord de la basilique de sainte Salsa et deux petits îlots. Des recherches sous-marines conduites par une équipe britannique de l’université de Cambridge en 1968 au pied de ce promontoire ont repéré divers aménagements ainsi que des amphores puniques suggérant une fréquentation dès le IVe siècle avant notre ère (Yorke et Davidson, 1969 ; Salama, 2006). L’arrière-pays de Tipasa est jalonné de ruines anciennes. La plus célèbre, à une dizaine de kilomètres à l’est de Tipasa et à quelques kilomètres au nord-est de Sidi Rached, est le « Tombeau de la Chrétienne », dont l’appellation provient du toponyme arabe Kbour er-Roumia (littéralement « Tombeau de la Romaine/de la Chrétienne ») ; l’édifice est aujourd’hui désigné comme le « Mausolée royal de Maurétanie ». Dominant la plaine de la Mitidja, ce monument circulaire en pierre d’une soixantaine de mètres de diamètre à sa base pour une hauteur conservée d’une trentaine de mètres renferme un hypogée de 170 mètres de longueur. Il est entouré de colonnes engagées d’ordre ionique ancien et est doté de quatre portes (dont trois fausses) aux points cardinaux. Le Monumentum commune Regiae gentis, mentionné par Pomponius Méla au Ier siècle de notre ère, aurait servi de mausolée royal de Maurétanie sous Juba II et aurait abrité sa défunte épouse Cléopâtre Séléné. Cependant, la date de construction et la destination du monument restent encore incertaines (Berbrugger, 1856, 1867 ; Gsell, 1894 ; Christofle, 1951 ; Bouchenaki, 1991). Les vestiges de riches demeures, comme la villa Hortensia, parsemant la campagne fertile de Tipasa dans un rayon d’une dizaine de kilomètres autour du centre antique et datées des premiers siècles de notre ère témoignent de la domination d’un régime de la grande propriété basé sur la culture de la vigne et de l’olivier (Gavault Saint-Lager, 1884 ; Gsell, 1894).
(Thomas Soubira, Bénédicte Lhoyer, mai 2021)