Le nom de la ville de Tipasa serait d’origine phénicienne et signifierait « lieu de passage ». Les Carthaginois y auraient établi un établissement relais sur l’itinéraire de cabotage le long des côtes nord-africaines. On n’en a cependant pas de vestiges bâtis ; seule l’étude du mobilier (céramiques, monnaies, etc.) issu des nécropoles suggère une présence phénicienne dès le VIe siècle avant notre ère et une occupation plus permanente vers la fin du IIIe siècle avant notre ère, vraisemblablement localisée sur le promontoire qui occupe le centre des ruines et à l’est du port actuel (Cintas, 1948 ; Baradez, 1952). À une échelle régionale, Tipasa se situait entre les villes plus importantes d’Ikosim/Icosium (Alger) et Iol/Caesarea (Cherchell), capitale des rois maurétaniens Juba II et Ptolémée. D’après Pline l’Ancien, l’empereur Claude accorda à Tipasa le statut de municipium en 46. La ville reçut plus tard le droit de cité complet, avant de devenir Colonia Aelia Tipasensis (Pflaum, 1975). Une inscription mentionne aussi l’ordo et les décurions de la ville. L’ordo Tipasensium est également évoqué sur une table de patronat en bronze du IVe siècle retrouvée à Cordoue. À l’instar de la majorité des villes romaines d’Afrique, Tipasa se développa considérablement sous les derniers Antonins et les Sévères, entre la fin du IIe siècle et le IIIe, atteignant une population estimée à 20 000 habitants (Laronde et Golvin, 2001). Éclipsée sur le plan administratif et politique par sa fastueuse voisine Caesarea, Tipasa était surtout une ville de commerce dominée par de riches propriétaires terriens exploitant son arrière-pays agraire (Baradez, 1952). C’est probablement au début du IIIe siècle que le christianisme apparaît à Tipasa (avec l’installation d’un évêché), se substituant progressivement aux cultes païens comme en témoignent les deux grandes basiliques et leurs cimetières associés ainsi que les petits oratoires consacrés à plusieurs martyrs de la ville (Baradez, 1952 ; Février, 1986). Un document essentiel pour retracer cette période de l’histoire de Tipasa est le texte martyrologique appelé Passion de Sainte Salsa. Il relate l’histoire d’une jeune fille animée de la foi chrétienne qui aurait détruit une idole au cours d’une fête païenne sur la collis templensis (colline des temples). Rouée de coups, elle aurait été jetée à la mer puis repêchée quelque temps après par un capitaine gaulois qui lui aurait offert une sépulture (Saint-Gérand, 1892 ; Gsell, 1893). L’auteur de la Passion raconte qu’en 372, alors que le roi maure Firmus levait une armée pour se débarrasser de la domination romaine et saccageait Caesarea et Icosium, il ne put prendre Tipasa qui résista énergiquement (Gsell, 1893). La ville continua de prospérer jusqu’à l’invasion vandale qui eut lieu vers 430 ; il est alors probable que Genséric ordonna le démantèlement des murailles. Puis le roi Hunéric abolit le christianisme et persécuta ses adeptes en Afrique du Nord. Après le rétablissement du culte chrétien par Hildéric, puis au temps de la domination byzantine dans la première moitié du VIe siècle, des travaux furent entrepris sur les bâtiments religieux, dont la basilique Sainte-Salsa (Gsell, 1894 ; Baradez, 1952). Après la conquête arabe et l’arrivée de l’Islam, la ville tomba en ruines et on lui attribua le toponyme de Tefassed, « détruit, abîmé » (Gsell, 1926 ; Baradez, 1952).
(Thomas Soubira, Bénédicte Lhoyer, mai 2021)