Tipasa

Histoire de la recherche à Tipasa

Sarcophages se pressant atour de la Basilique des martyrs Pierre et Paul. Sarcophages se pressant atour de la Basilique des martyrs Pierre et Paul. Crédit : BARADEZ, Jean, 1952, Tipasa. Ville antique de Maurétanie, Alger, Direction de l’Intérieur et des Beaux-Arts, p.71.

C’est dans sa description de la régence d’Alger que l’ecclésiastique et voyageur anglais Thomas Shaw identifia les ruines de Tefessad avec la ville romaine de Tipasa (Shaw, 1743). Un siècle plus tard, l’archéologue Charles Texier visita Tipasa et décrivit une série d’aménagements portuaires creusés dans la roche ainsi que les ruines du théâtre et du rempart antiques (Texier, 1846). Dès le milieu du XIXe s., les principaux vestiges de Tipasa furent reconnus et plus particulièrement les basiliques et les nécropoles associées. Des fouilles localisées furent effectuées dès cette époque dans la basilique Sainte-Salsa et au nymphée par Adrien Berbrugger (Dupuch, 1847 ; Leclerc, 1850 ; Gsell, 1893, 1894). L’archéologue fouilla surtout, avec Oscar Mac Carthy en 1865-1866, après deux missions de reconnaissance dix ans plus tôt à la demande de Napoléon III, le célèbre « Tombeau de la Chrétienne » (Dondin-Payre, 2003). Au début de la décennie 1880, Pierre Gavault Saint-Lager pratiqua à Tipasa quelques fouilles sommaires et publia de courtes notices consacrées à certains monuments de la zone archéologique, comme la basilique principale sur le Ras el-Knissa (Gavault Saint-Lager, 1883). De 1891 à 1893, Stéphane Gsell, alors professeur à l’École supérieure des Lettres d’Alger, poursuivit la fouille de cette basilique ainsi que celle de Sainte-Salsa et procéda à une excavation du cimetière oriental intramuros. Sa thèse de doctorat en latin fit office de première monographie du site de Tipasa, rendant compte de la répartition générale des principaux monuments (Gsell, 1894). Parallèlement, Saint-Gérand, curé de Tipasa, entreprit le dégagement de l’église de l’évêque Alexandre (Duchesne, 1892 ; Gsell, 1893). Durant les décennies 1910 et 1920, les travaux archéologiques furent principalement concentrés dans la partie occidentale du site, sur le Ras el-Knissa et le promontoire central. En 1929, à l’occasion d’un voyage d’études archéologiques en Algérie, Jacques Heurgon dirigea des fouilles dans le cimetière oriental intramuros de Tipasa tandis que Jean Lassus, alors membre de l’École française de Rome, pratiqua des sondages peu concluants au sud de l’église Sainte-Salsa (Heurgon, 1930 ; Lassus, 1930). Après des fouilles opérées par les curés successifs de Tipasa et M. Trémaux, riche colon à qui appartenait presque tout le ressort de la ville antique dans la deuxième moitié du XIXe s., des recherches ponctuelles furent menées durant l’été 1936 par deux amateurs d’archéologie, le Consul général des États-Unis Ernest L. Ives et sa femme. Ces fouilles, localisées dans un petit vallon du quartier occidental, mirent au jour une grande mosaïque datée du IIe siècle représentant un épisode de la légende d’Achille. L’œuvre fut immédiatement prélevée et déposée au Musée des Antiquités d’Alger, devenu Musée Stéphane-Gsell à la fin des années 1930 (Audollent, 1890 ; Gsell, 1894 ; Leschi, 1937). Au début des années 1940, Paul-Marie Duval s’intéressa au rempart de Tipasa et effectua des sondages en différents points afin de préciser son tracé et ses caractéristiques (Carcopino, 1944 ; Duval, 1946). En parallèle, Louis Leschi dégagea le théâtre de 1942 à 1944, fouille qui fut achevée en 1950 par Edmond Frézouls (Frézouls, 1952). En 1943, Pierre Cintas reprit l’étude du cimetière oriental intramuros (en partie dégagée par Gsell et Heurgon) et identifia les premières tombes puniques (Cintas, 1948). Le troisième quart du XXe siècle a connu l’intensification et la multiplication des zones de fouilles à Tipasa. De 1948 à 1962, les travaux furent confiés à Jean Baradez. Outre la fouille des nécropoles, celui-ci œuvra à une meilleure compréhension de l’urbanisme de la Tipasa antique en dégageant les principaux axes de circulations, de nouveaux édifices religieux comme la basilique Pierre-et-Paul, et civils comme la Maison des Fresques. Baradez publia en 1952 une première édition d’une brochure de visite du site, rééditée quelques années plus tard, ainsi que de nombreux articles sur ses découvertes, notamment sur le mobilier céramique, l’étude des monuments fouillés et l’architecture des tombes dans les nécropoles. En 1952, il créa par ailleurs, avec Marcel Christofle, l’Agence des Monuments Historiques de Tipasa, conçue à la fois comme un laboratoire et un atelier de dessin (Baradez, 1952, 1961a, 1961b, 1967). Succédant à Baradez de 1962 à 1968, Serge Lancel poursuivit notamment la fouille de la nécropole occidentale ainsi que de la nécropole orientale, désireux de perpétuer l’étude de la Tipasa punique amorcée par Cintas. Il découvrit également la nouvelle nécropole romaine occidentale de la porte de Césarée. Sous le titre Tipasitana, il publia entre 1967 et 1970, dans le Bulletin d’Archéologie Algérienne, quatre rapports de ses fouilles sur les nécropoles de Tipasa. Il publia également un guide de la zone archéologique ainsi qu’un catalogue du verre antique de Tipasa (Février, 1967 ; Lancel, 1967, 1968, 1970). Enfin, dans le cadre de sa thèse de doctorat, Mounir Bouchenaki mena, de 1968 à 1974, des fouilles de sauvetage sur le lieu de construction d’un complexe touristique au cœur de la nécropole de la plage de Matarès à environ 500 m à l’ouest de la porte de Césarée (Bouchenaki, 1975, 1980).

(Thomas Soubira, Bénédicte Lhoyer, mai 2021)