Colonia Iulia Concordia Karthago / Carthage

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Les recherches les plus récentes ou en cours

Fouilles du quartier punique sur Byrsa. Fouilles du quartier punique sur Byrsa. Crédit : Abdelmajid ENNABLI, 2021.

La campagne de fouilles internationales de Carthage a été une opération d’envergure entreprise, avec le soutien de l’UNESCO, entre 1972 et 1994 pour éviter qu’un site porteur d’une grande histoire disparaisse dans l’indifférence générale. Grâce à la persévérance d’équipes de fouilleurs issus de nombreux pays, d’importantes découvertes furent réalisées, d’abord pour la période romaine, en particulier la confirmation du forum au sommet de Byrsa, et pour la période punique, jusque-là méconnue. Parmi beaucoup de nouveautés, les fouilles internationales ont révélé la configuration des deux bassins portuaires, le bassin marchand et surtout le port militaire dont l’architecture et le plan ont été bien restitués. Plus au nord, c’est tout un quartier d’habitat punique qui a été révélé en bordure de mer, à l’abri d’une muraille servant de rempart maritime. Sur le versant de la colline de Byrsa, un autre quartier punique construit selon les meilleures techniques a été mis au jour. Dans la plaine littorale, des sondages profonds ont révélé les premières traces de l’occupation humaine sur le site. Tous ces vestiges ont fait l’objet de soins attentifs : consolidés et restaurés, mis en valeur, ils sont accessibles au public qui peut les visiter. Des antiquarium et des maquettes permettent de faciliter la compréhension.

Pour la période romaine, déjà illustrée par de nombreux vestiges de grands monuments tels que les thermes d’Antonin, le quartier des domus aristocratiques, l’amphithéâtre et les grands réservoirs, d’autres découvertes ont été faites, en particulier la révélation au sommet de la colline de Byrsa de l’existence du forum de la ville, un des plus vastes de l’empire romain, bien que très ruiné en raison de l’exploitation de ses matériaux : colonnes, chapiteaux qui ont été emportés. Le plan du forum a été restitué et matérialisé au sol, et une maquette en présente l’architecture, en particulier, dominant la place publique, la grande basilique civile qui fut le centre du pouvoir politique de la province d’Africa. Un grand temple s’élevait à proximité. À l’emplacement du port militaire d’époque punique s’est substitué un autre port destiné à l’expédition de l’annone, la contribution en blé produit par l’Africa à destination de la capitale de l’empire. D’autres monuments ont été dégagés ou explorés, en particulier le cirque-hippodrome, les grandes citernes de La Malga, l’édifice de la Rotonde. Le schéma urbanistique de la ville, dont la cadastration orthogonale, avait été déjà découverte, a été confirmé dans sa régularité. Le contour des remparts élevés au Ve s., à la veille de l’invasion vandale, a été retrouvé et son plan restitué. Une nouvelle nécropole païenne a livré des mausolées construits comportant des décors stuqués et deux statues funéraires en marbre blanc. Venant s’ajouter aux basiliques chrétiennes déjà fouillées au XIXe et XXe s., une nouvelle église a été découverte et soigneusement fouillée en bas de la colline de Byrsa, dans la plaine littorale. Dans ce quartier de Carthagenna, elle est proche d’une autre ayant suivie une évolution à peu près semblable, du IVe au VIIe s. À la périphérie nord-ouest de la ville, les vestiges de la basilique de Bir Ftouha ont fait l’objet d’une recherche archéologique très poussée ayant permis de mieux restituer ce monument. Une autre basilique cimetériale datant sans doute de la période vandale, située, elle, dans le quartier sud-est proche d’un endroit nommé justement Bir el Knissia (le puits de l’église), a été révélée.

La totalité du matériel archéologique découvert lors de la Campagne internationale a été documenté et est conservé dans les réserves du musée de Carthage qui présente dans quelques salles les objets et les séquences les plus remarquables. L’ancien musée Lavigerie, situé au sommet de Byrsa, a en effet été réaménagé, rénové, et une nouvelle exposition muséographique a été réalisée tenant compte de tous les apports de ces fouilles. En particulier, une galerie a été consacrée aux fouilles de la colline de Byrsa, présentant à la fois le forum romain et le quartier punique qui l’avait précédé. Aujourd’hui fermé au public, le musée de Carthage est en cours de réaménagement et devrait rouvrir ses portes en 2024.

Pendant toute la durée de la campagne, un bulletin d’information (Bulletin CEDAC) a été publié et diffusé, consignant annuellement les découvertes et les travaux effectués par les équipes internationales. Un ouvrage collectif (Ennabli, 1992) fut édité en 1992 par l’UNESCO et l’Institut d’Archéologie de Tunis, rapportant l’essentiel des travaux, accompagné d’une bibliographie exhaustive. Des ouvrages de synthèse s’ensuivirent ; citons en particulier celui de Serge Lancel (Lancel, 1992), intitulé Carthage. Un numéro spécial des Dossiers d’Archéologie (1995), ayant pour titre Tunisie, Carrefour de Civilisations, présente les principaux résultats de cette campagne et évoque les perspectives d’avenir. Outre les nombreuses monographies publiées par chacune des équipes, un bilan est donné dans Carthage : « les Travaux et les Jours » (Ennabli, 2020). Le site de Carthage apparaît aujourd’hui comme l’un des sites les plus documentés de la Méditerranée. Des recherches actuelles entretiennent cet important héritage scientifique et contribuent au renouvellement des connaissances par le recours aux méthodes et aux techniques de spécialités récentes ; c’est le cas notamment dans le secteur du tophet de Salammbô où se pratiquent désormais des études archéothanatologiques. Il est néanmoins à noter qu’en l’absence de Plan de Protection et de Mise en Valeur (pourtant prévu par le Code de Protection culturelle depuis 1994), il n’existe pas de fouilles programmées à Carthage, mais des sondages d’urgence effectués sur demande de permis de bâtir.

 

(Abdelmajid Ennabli, avril 2022)