Coordonnées géographiques : N 36°51’48.0’’, E 10°19’59.3’’
C’est dans un site exceptionnel, situé à l’extrémité septentrionale du continent africain, au centre de la Méditerranée, qu’est fondée, à la fin du IXe s. avant notre ère, la cité punique de Carthage. Vaincue en 146 avant notre ère par Rome, elle sera détruite. Après un siècle d’abandon, Rome fondera au même endroit une nouvelle cité : Karthago. Celle-ci sera la capitale de la province d’Africa jusqu’à la prise de la ville par les Arabes en 698. Dans l’axe côtier nord-sud du continent, à la croisée avec la route venant de Carthage vers l’intérieur, s’installera une petite ville indigène, Tunis, qui sera la porte d’entrée vers l’arrière-pays. Elle sera le vis-à-vis de Carthage. Elle prendra la succession de Carthage plusieurs siècles après la disparition de celle-ci, plus précisément au début du XIIIe s., lorsqu’elle deviendra la capitale du royaume hafside de l’Ifriqiya (1228-1574). Carthage, abandonnée depuis la fin de l’antiquité, deviendra une commune de la banlieue de Tunis à partir de 1919. Son développement se fait alors aux dépens du site archéologique. N’offrant pas de monument en trois dimensions en raison de leur arasement au niveau du sol, le site ne présentait apparemment aucun intérêt pour les autorités coloniales par rapport aux sites archéologiques remarquablement conservés à l’intérieur du pays. La notion de niveaux d’occupation sous-jacents n’était pas à l’ordre du jour. Pourtant, en raison de la longue durée de son histoire, Carthage était un des rares sites ayant gardé sur son sol une stratigraphie bien développée et même, pour ce qui est de la civilisation phénico-punique, l’exclusivité de cette période. Dans la Tunisie indépendante, le mérite des responsables est d’avoir pris conscience de l’importance de la Carthage punique et romaine, et d’avoir pris les décisions permettant de la sauver d’une urbanisation irrésistible qui l’aurait anéantie. Ces décisions allaient à l’encontre des intérêts de la commune, car à l’exception de quelques îlots archéologiques comme les thermes d’Antonin et le tophet de Salammbô, l’ensemble du territoire communal était voué à la construction. Dès 1968, la presque totalité du territoire carthaginois non encore construit fut déclaré zone archéologique grevée d’une servitude non ædificandi. Cette protection fut confirmée par le Plan d’aménagement urbain édicté en 1978, puis de manière irrévocable par le Plan de classement promulgué en 1985, le site archéologique étant destiné à devenir un parc archéologique national. Une vaste campagne de fouille internationale, entreprise avec le soutien de l’UNESCO et s’étendant sur plus de vingt ans (1972-1992), a illustré de manière significative la valeur et l’importance de la science archéologique bien menée sur un site qui, à première vue, paraissait stérile. Dès 1979, le site de Carthage a été inscrit sur la liste du Patrimoine mondial. Un Plan de Protection et de Mise en valeur (PPMV), longuement élaboré par un comité de pilotage et officiellement approuvé, a malheureusement été annulé par celui même qui l’avait cautionné, pour détourner le site de sa vocation archéologique à des fins de spéculation. Depuis 2011, la société civile constituée en association n’a eu de cesse de faire approuver ce texte fondamental pour la sauvegarde du site de Carthage. Il semble bien que les motivations des nouvelles générations aient changé d’ambition et d’objectifs.
(Abdelmajid Ennabli, avril 2022)