Lalibela

Coordonnées géographiques : 12° 1'53.98" N; 39° 2'43.92" E

Les recherches les plus récentes ou en cours à Lalibela

Qeyit Terara, secteurs fouillés de 2018 à 2022. Qeyit Terara, secteurs fouillés de 2018 à 2022. Crédit : Romain Mensan, mission historique et archéologique à Lalibela, 2022 (Sustainable Lalibela, 2022).

Dans les années 2000, une équipe franco-éthiopienne, dirigée par Claire Bosc-Tiessé et Marie-Laure Derat, a rouvert le dossier de l’histoire du site de Lalibela, en inscrivant résolument celui-ci dans son environnement, à plusieurs échelles, depuis le très local jusqu’au global. À partir de 2005, de nouvelles recherches ont débuté en intégrant le site dans une étude sur la géographie historique du Lāstā, région dans laquelle Lalibela est implanté. L’objectif est d’envisager ce territoire dans la longue durée. Le Lāstā est généralement considéré comme le cœur de la dynastie Zāgwē qui règne aux XIe-XIIIe siècles. Cette approche a permis d’initier des recherches de terrain dans le Lāstā sur l’histoire, l’histoire de l’art ou l’archéologie, centrées sur deux volets. Un premier volet sur l’édition, la traduction et l’analyse des archives de la région, puis un second sur l’étude archéologique du site de Lalibela et ses environs, avec des campagnes annuelles menées à partir de 2009. Le but est de comprendre l’évolution du site dans la longue durée, en lien avec son contexte régional toujours mal documenté (Bosc-Tiessé et Derat, 2019 ; Derat et al., 2021).

Le site est un enchevêtrement d’églises, de galeries souterraines et de tranchées à ciel ouvert, de cours et salles troglodytiques. Les observations stratigraphiques réalisées sur les monuments ont permis de proposer un séquençage des creusements (Fauvelle et al., 2010). Les deux premières phases apparaissent ainsi antérieures à la réalisation d’églises : le rocher situé directement sous la surface a été exploité en aménageant d’abord des galeries (phase « troglodytique ») qui tiraient partie d’ouvertures naturelles. Quelques petites chambres en forme de dôme ont également été creusées. Puis, dans un deuxième temps (phase « hypogée »), de larges salles souterraines ont été dégagées, inscrites un peu plus profondément dans le socle rocheux.

Lors d’une troisième phase, appelée « Monumental 1 », les églises ont été aménagées, sculptées dans la roche pour pasticher des bâtiments construits. Le site n’est plus alors tout à fait souterrain. Cette transformation est à l’origine d’une phase ultime, « Monumental 2 », qui s’identifie par un abaissement des niveaux extérieurs des monuments afin de lutter contre l’érosion liée à l’eau et permettre l’évacuation des eaux de pluie emprisonnées dans les cours à ciel ouvert. Ces surcreusements réguliers entrainent la réalisation de nouveaux programmes architecturaux transgressant les programmes antérieurs.

Cette analyse stratigraphique a permis d’établir une chronologie relative du site, qu’il reste à caler avec précision dans le temps. L’analyse du paysage de Lalibela a permis de reconnaître des zones de déblais issues du creusement, où sont piégées des données archéologiques (Bosc-Tiessé et al., 2014). La fouille de l’un de ces tas de déblais dans le groupe 2 d’églises – sur un site dénommé Qeyit Terara – a permis de mettre au jour une succession de structures circulaires, encloses par un mur d’enceinte. La première occupation est datée au carbone 14 du XIe-milieu XIIe siècle et correspond à une structure creusée dans le substrat. S’en suit une reprise tardive de la structure par une maçonnerie entre le milieu du XIe siècle et le milieu du XIIIe siècle. Par la suite, les niveaux de remplissage du tas de déblais ont été identifiés, correspondant à une occupation domestique du XVIIe-XVIIIe siècles. Ces données issues des fouilles mettent en lumière un complexe fortifié, articulant architecture bâtie et architecture creusée, salles souterraines et enceintes s’élevant plusieurs mètres au-dessus de la surface, installé avant le règne de Lalibela et avant la transformation en églises des salles souterraines et la taille de nouveaux monuments.

La fouille du cimetière de Qedemt (Gleize et al., 2015), situé au nord des églises, apporte quant à elle des données complémentaires concernant les pratiques funéraires. Trois phases d’occupation ont été identifiées : la phase A (XIe-XIIIe s.), correspondant à des pratiques funéraires diverses (orientations multiples), avec du mobilier céramique associé aux sépultures ; la phase B (XIIIe-XVe s.) durant laquelle les sépultures sont plus nombreuses et orientées spécifiquement est-ouest (qui correspond à la norme chrétienne) ; et la phase C (XVe-XVIIIe s.) qui est celle d’une densification et d’une extension de l’espace funéraire. La phase A, que l’on peut associer aux structures mises en évidence à Qeyit Terara, semble donc correspondre à une grande diversité des pratiques funéraires, qui renvoie peut-être à une diversité des adhésions religieuses avant le XIIIe siècle.

(Marie-Laure Derat, juillet 2022)