L’histoire du site de Lalibela peut être appréhendée grâce à la documentation manuscrite conservée dans les églises du site, aux inscriptions sur les parois des églises et sur quelques objets en bois, et à l’archéologie.
Les études réalisées à partir de la documentation manuscrite, conservée à Lalibela et dans ses environs, fournissent de précieuses indications historiques. D’une part, la région dans laquelle les églises ont été implantées semble avoir été un royaume nommé « Begwenā » dans les textes. Le site de Lalibela, longtemps pensé comme la capitale du royaume à l’époque de la dynastie Zāgwē, apparaît aujourd’hui davantage comme un cœur religieux que comme un centre politique (Derat, 2018). À compter du XVe siècle, les églises de Lalibela ont fait l’objet d’attentions régulières de la part des souverains chrétiens d’Éthiopie, qui ont voulu célébrer le culte du saint-roi Lālibālā, tout en contrôlant ce centre religieux. Puis l’intérêt royal décline, avant qu’aux XVIIe-XVIIIe siècles une dynastie locale redonne un certain lustre aux églises du site, tout en revendiquant son autonomie vis-à-vis du pouvoir central, désormais installé dans la région de Gondar. Les textes montrent donc le développement d’une histoire longue du site de Lalibela, qui occupe une place singulière au sein du royaume chrétien d’Éthiopie.
Les recherches menées sur le terrain par le moyen de prospections et fouilles archéologiques permettent d’établir un phasage de creusement du site (voir plus loin). Elles ont permis d’identifier des vestiges marquant une occupation dès les Xe-XIIe siècles, vestiges qui sont recouverts par les déblais issus de la réalisation des églises par creusement. Aux alentours de Lalibela, par exemple à Māy Māryām, Waf Argaf et Waša Mikā’ēl, plusieurs sites indiquent que la région semble avoir été maîtrisée par une élite puissante avant même l’ascension du roi Lālibālā. Il semble qu’alors le christianisme était déjà présent mais qu’il devait cohabiter avec d’autres religions.
Si les données historiques de toutes natures permettent désormais de voir se former la société qui a vécu à Lalibela au cours du dernier millénaire, il reste encore à comprendre les relations entre cette société et la dynastie Zāgwē. La région fut-elle conquise par les Zāgwē, et par le roi Lālibālā en particulier, qui aurait transformé une forteresse préexistante en un complexe d’églises ? Ou bien les Zāgwē sont-ils au contraire les héritiers de cette société vivant à Lalibela et les témoins de transformations religieuses qui auraient induit les transformations architecturales du site ? Pour répondre à ces questions, il faudra à l’avenir s’éloigner de Lalibela et travailler sur d’autres sites repérés dans les environs, afin de mieux revenir sur les vestiges mis au jour.
(Marie-Laure Derat, juillet 2022)