Thugga / Dougga

Dougga dans son paysage

Vue de la scène du théâtre depuis les gradins. Vue de la scène du théâtre depuis les gradins. Crédit : Clémentine Gutron, 2006.

Le site de Dougga réunit toutes les conditions pour une implantation humaine dès les hautes époques, se trouvant au centre d’un ensemble géographique particulièrement fertile : la vallée de l’Oued Khaled et celle de l’Oued Arko, la plaine du Krib ou encore le pays du Belad Zehna (Carton, 1910). Deux montagnes boisées sont proches du site : le Jebel Echhid à 15 km et le Bou Khobza à 20 km. C’est donc un paysage montagneux faits de vallons et de plateaux – parfaits pour l’extraction de la pierre, dont un calcaire gris-jaune caractéristique. Les températures plus fraîches que dans les régions plus méridionales ont permis à de larges prairies de s’étendre. Le sol est varié et fertile, permettant aux champs, aux vergers et aux oliveraies de donner une production abondante chaque année. La présence de sources d’eau douce a permis l’irrigation des champs et l’alimentation de la ville antique via des aqueducs et des citernes (Baklouti, 2008). La ville se place sur la pointe d’un promontoire qui protège le site à la fois des vents et des attaques ennemies. De plus, la cité est proche d’un réseau de routes commerciales majeures conduisant vers les grandes cités côtières telle que Carthage (Salama, 1948). En raison de la nature escarpée du site, la ville s’est construite progressivement en descendant le long de la pente. Le tracé des rues est donc irrégulier, bien loin du schéma orthonormé romain. Le forum est bien visible, au centre de la ville, autour duquel se développèrent des quartiers d’habitations sous forme d’îlots. Deux grandes portes marquent les entrées de la cité : la porte de Septime Sévère au sud sur la route du Kef (en 205) et la porte d’Alexandre Sévère (en 232) à l’ouest du forum. Des traces des implantations anciennes subsistent. La nécropole mégalithique, signalée par des dolmens, occupe la partie nord du site, entre la muraille et le bord de la falaise (Anouallah et al., 2020). Le célèbre mausolée libyco-punique (« mausolée d’Atban », fin du IIIe / début du IIe siècle avant notre ère) se dresse au bas de la pente à l’extrémité sud du site. Sur le forum, la découverte d’une inscription bilingue au nom de Massinissa laisse supposer l’existence d’un ancien temple construit au pied du futur Capitole, dans la partie est du forum, qui fut remplacé par un arc monumental sous le règne de Tibère (en 36-37) (Berger, 1904). Le Capitole, dédié à Jupiter, Junon et Minerve, est le monument le mieux conservé du site. Construit sous Marc-Aurèle (166-167), son fronton encore en place représente l’apothéose de l’empereur Antonin le Pieux enlevé par un aigle (Golvin, 2020). Deux places, l’une oblongue et l’autre carrée, furent construites dans le prolongement l’une de l’autre, respectivement à l’ouest et à l’est du Capitole (Golvin, 2020). La place oblongue est entièrement dallée, bordée par un portique sur trois côtés, et elle dispose d’une tribune aux harangues. Tout proche, le temple de la Fortune fut restauré sous Sévère Alexandre (entre 222 et 235). La partie sud est occupée par le temple de Liber Pater et des temples de la Concorde. Au Ve siècle, face au Capitole, une basilique décorée de mosaïques blanches fut construite. A l’est de la grande place du forum, une seconde place fut bâtie sous le règne de Commode (180-192) ; elle fut baptisée « Place de la Rose des Vents » d’après la gravure d’une rosace à douze rayons sur le dallage (Poinssot, 1906). Au nord de celle-ci, collé au Capitole, se trouve le temple de Mercure, et à l’est, le temple de la Piété Auguste. Au sud de cette place, deux entrées menaient au marché, bordé par des petites boutiques et dont la place était ornée d’une fontaine. De nombreuses dédicaces découvertes dans la cité indiquent la présence d’au moins neuf autres temples et près de trente sanctuaires, majoritairement concentrés autour du Forum. Signalons aussi la présence d’un temple de Minerve au nord du site, près des dolmens, et d’un temple dédié à Baal-Hammon Saturne sur l’éperon rocheux à l’est. À la périphérie de la ville, à l’ouest de la porte d’Alexandre Sévère, le temple de Junon Caelestis se dresse sur un podium, le téménos dans son ensemble prenant une forme semi-circulaire (Gros, 1996). Deux monuments de spectacles sont toujours visibles : à l’extrémité nord, juste à côté du temple de Minerve, un cirque sommaire où se déroulaient des courses de char fut construit au IIIe siècle grâce à une donation de Gabinia Hermiona. La longueur de la piste était de 300 m pour une largeur de 65 mètres environ, avec douze stalles de départ des chars bâties au nord (Golvin, 2020). Mais c’est surtout le théâtre (datant de 168-169 selon toute vraisemblance), au sud de l’éperon rocheux, qui est dans un bien meilleur état de conservation. La très forte pente fut utilisée pour l’implantation des gradins, pouvant accueillir un maximum de 3500 spectateurs. Le mur de scène était décoré de colonnes d’ordre corinthien ; trois portes reliaient la scène au portique postérieur, et deux salles couvertes sont présentes de part et d’autre du bâtiment de scène (Carton, 1904 ; Laronde et Golvin, 2001). Trois thermes furent dégagés. Ils sont localisés au sud du site : les thermes antoniens (ou de Caracalla) au sud-est du forum, les thermes des Cyclopes non loin de là au sud-est, et enfin les thermes d’Aïn Doura (fin IIe/début IIIe siècle), plus éloignés au sud et qui n’ont, à ce jour, fait l’objet que de fouilles partielles. Un aqueduc long de 200 m conduisait les eaux de la source d’Aïn Mizeb jusque dans les citernes bâties du sud du temple de Minerve au nord du site. Un autre, plus long, allait chercher l’eau de la source d’Aïn el-Hammam à 12 km à l’ouest pour remplir divers réservoir et citernes, dont celles proches des thermes d’Aïn Doura (Khanoussi, 1980). Concernant les demeures, on en compte une trentaine à l’heure actuelle. Celles qui entourent le forum, modestes et avec un étage, furent édifiées au IIIe siècle de notre ère. Les villas sont plus rares, trois d’entre elles sont remarquables : la maison du Trifolium (proche des thermes des Cyclopes) d’une superficie de 800 m2 (Khanoussi et al., 2004), la maison d’Ulysse et de Dionysos (dont les mosaïques sont conservées au Bardo) près des thermes antoniens, ou encore la maison de Vénus, située entre le temple de la Victoire de Caracalla et le temple anonyme (surnommé le Dar Lachheb, la « Maison de Lachheb ») au sud-ouest du forum. Concernant les monuments de l’époque byzantine, on compte la petite église de Victoria, en contrebas du temple de Baal-Hammon Saturne, ainsi que les restes d’une forteresse bâtie sur le forum et d’où partait une enceinte entourant la partie nord-est du site jusqu’au théâtre.

 

(Bénédicte Lhoyer, Thomas Soubira, juin 2021)

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