Le site, bénéficiant d’avantages naturels, est manifestement occupé dès la Préhistoire (Paléolithique et Chalcolithique), ce dont témoignent des silex taillés découverts parmi lesquels une pointe à retouches bifaciales (Souville, 1961). La première mention de Sala est attribuée à Pomponius Mela au Ier siècle de notre ère, tandis que Pline l’Ancien décrit oppidum Sala comme une place forte de hauteur sur les bords d’un fleuve du même nom, proche du désert, infestée d’éléphants et sur le territoire de la tribu berbères des Autotoles. La situation géographique du site est précisée plus tard par Claude Ptolémée ainsi que dans l’Itinéraire d’Antonin (Chatelain, 1944 ; Boube, 1966, 1984 ; Pietrobelli, 2001). Le site du Chellah a vraisemblablement été occupé à l’époque phénicienne, bien que la documentation textuelle et archéologique reste pour l’heure clairement insuffisante (Basset et Lévi-Provençal, 1922 ; Boube, 1966, 1984). Il semblerait que le nom de Sala dérive du terme soloi utilisé par les Phéniciens pour désigner des promontoires rocheux abritant un port (Bérard, 1902). Une occupation maurétanienne est en revanche bien assurée aux IIe et Ier siècles avant notre ère, ouverte sur le monde méditerranéen septentrional d’après les nombreux objets collectés lors des fouilles dans les niveaux anciens. Sous les règnes de Bocchus et de Juba II, à l’instar d’autres établissements atlantiques comme Lixus, la ville disposait de son propre atelier monétaire pour un usage toutefois en apparence limité. Bien que la trame urbaine de la cité maurétanienne soit relativement bien identifiée, cette occupation ancienne reste tout de même assez mal connue du fait du manque de plans et de données stratigraphiques précises publiés (Boube, 1966, 1984, 1999 ; Bridoux, 2008). Dans la seconde moitié du Ier siècle de notre ère, un camp d’un corps de troupes auxiliaires (cohors I Lemauorum), recouvert par un cimetière actuel, est installé immédiatement au-dessus de la ville. C’est sous le règne de l’empereur Claude que la ville a obtenu le statut de municipe (Gascou, 1991). Dès l’époque trajane, sans transformation radicale de l’urbanisme maurétanien, la ville est parée des édifices publics emblématiques de Rome – un Capitole érigé en 120, une Curia ulpia et un forum – puis entourée d’un rempart édifié vers le milieu du IIe siècle sous le règne d’Antonin le Pieux (Boube, 1999 ; Pietrobelli, 2001). La ville a perduré bien après l’abandon de la Tingitane par les Romains en 285. On sait qu’une cohorte tient encore garnison sur le site vers la fin du IVe siècle. Les textes et l’archéologie sont cependant muets concernant la ville entre le Ve et le VIIe siècle (Siraj, 1995 ; Boube, 1999). Tous les auteurs arabes médiévaux se sont accordés pour attribuer une origine antique à la ville, du moins à ses ruines. Au IXe siècle, toujours selon les auteurs arabes, il semble encore y avoir dans la région des tribus chrétiennes, juives et païennes qui cohabitent (Terrasse, 1940). Ibn Hawqal, un siècle plus tard, a livré une petite notice signalant une ville en ruines aux alentours occupés de ribâts luttant contre la confédération Barghwata installée dans la région. Cela suggère que la ville était encore occupée. Elle avait été conquise par ailleurs par Idrîs Ier, et peut-être détruite par Yûnus comme le suggèrent al-Bakrî ou Léon l’Africain. Malheureusement, nous n’avons pas de description précise de la ville au début de l’Islam et son l’histoire reste floue jusqu’au XIIIe siècle, seulement marquée par la fondation d’une nécropole dynastique sous le règne du sultan mérinide Abou Youssef Yaâqoub (où il fait enterrer le corps de son épouse le 16 novembre 1284 (683 de l’Hégire) (Basset et Lévi-Provençal, 1922)). La zone est étendue et enfermée dans une vaste enceinte en 1339 par Abou al-Hassan (Basset et Lévi-Provençal, 1922 ; Terrasse, 1950 ; Siraj, 1995 ; Tamás Nagy, 2014). Dès lors, le site a valeur de sanctuaire et de lieu de pèlerinage. La nécropole commence à abriter progressivement les dépouilles de personnages importants de la région désireux de rechercher la baraka des saints, comme en témoignent les nombreuses pierres tombales et tertres récents (Basset et Lévi-Provençal, 1922). Léon l’Africain a visité Sella en 915 de l’Hégire (1509-1510) : il y relève trente inscriptions provenant des épitaphes des tombeaux princiers (Léon l’Africain, 1981). A la fin du XVIIIe siècle, la tribu des Sabbah a utilisé le Chellah comme forteresse et base d’appui au pillage de la région de Rabat (Basset et Lévi-Provençal, 1922). A l’orée du XIXe siècle, le site n’est plus qu’un amas de ruines dispersées dans la végétation, seulement fréquenté par des pèlerins venus rendre hommage aux saints du secteur – les sept Patrons de Chella (Pauty 1944) – dans leurs mausolées.
(Thomas Soubira, Bénédicte Lhoyer, février 2021)