TCHOGMA

Coordonnées géographiques : N 9°28°’6.78’’, E 0°37’45.274’’

Tchogma dans l’histoire

Base de fourneau sur le site de Tchogma. Base de fourneau sur le site de Tchogma. Crédit : Caroline Robion-Brunner, 2023.

Dans la région de Bassar (Nord du Togo), la production du fer a commencé dès le Ve siècle avant notre ère. Après un hiatus d’environ 1000 ans, elle prend son essor entre le XIIIe et le XXe siècle, période durant laquelle la production de fer devient une activité majeure dont la production globale avoisine environ 50000 tonnes (de Barros 1985, 1986 ; de Barros et al. 2020 ; Robion-Brunner et al. 2022). Les datations radiocarbones et archéomagnétiques acquises sur le site de Tchogma montrent que l’activité de cet atelier se met en place au XVIIe siècle, durant la période de production excédentaire tournée vers une exportation extra-régionale. Son expansion continue durant le XIXe siècle, mais si cette époque est marquée par la rivalité et les conflits entre les États voisins du pays bassar, comme les états Dagomba, Gonja et Mamprusi, perturbant ainsi les échanges commerciaux. Au début du XXe siècle, la production de fer cesse dans la partie est de la région de Bassar, alors que dans sa partie nord-ouest, elle se poursuit, comme c’est le cas à l’atelier de Tchogma. Il faut attendre les années 1950 pour que le fer local y soit définitivement remplacé par les importations européennes.

Selon les données issues des enquêtes orales (Dugast 2012), les métallurgistes de Tchogma appartiennent au clan des Bisiib. Les Bisiib sont une population dont l’origine serait circonscrite autour d’une zone située au nord-est de Kabou. La date précise de leur arrivée dans la région de Bassar n’est, à ce jour, pas établie avec certitude, mais elle se situerait dans la seconde moitié du IIe millénaire de notre ère (Martinelli 1982). Vestige d’une ancienne chefferie, le clan bisiib est formé d’éléments hétérogènes, tels que le sont généralement, dans cette région, les groupes rassemblés sous l’autorité d’un chef. La disparition de cette chefferie et l’enclenchement du processus de clanification qui suivit ne furent pas sans conséquence sur l’évolution des attributs de ses unités constitutives. Les Bisiib formaient une société à part entière. Les unités qui composaient ce groupe étaient spécialisées dans diverses activités ; certains produisaient le fer brut et d’autres transformaient ce métal en objets finis pour la consommation locale et régionale.

L’observation macroscopique des déchets sidérurgiques sur le site de Tchogma a permis de déterminer que les métallurgistes avaient utilisé deux techniques de réduction du minerai de fer simultanément. La première, majoritaire, comprend des scories externes et internes. Dans la seconde, ont été observés des feuillets vacuolaires fragmentés et des scories composites. Les vestiges des fourneaux appartenant à cette technique sont nombreux, mais seules les bases des cuves sont encore observables. Les cheminées ont toutes été détruites par l’érosion car les parois, d’une épaisseur de 20 cm tout au plus, n’ont pas résisté au temps. Heureusement, existent les relevés de Friedrich Hupfeld (1899 : 179 ; Fig. 8), les photographies de Philip Layton de Barros (1985 : 150-153), les reconstitutions d’Eugenia Herbert, Candice Goucher (1987) et Hans Peter Hahn (1997), ainsi que les observations archéologiques produites par l’équipe franco-togolaise (Robion-Brunner et al. 2022), qui permettent de restituer le fonctionnement de cette technique. Au cours de l’opération de réduction, la scorie se sépare de la masse métallique et s’écoule vers le fond du fourneau. Comme ce dernier est plat et qu’il n’y a pas de fosse devant la porte, un bain se forme au-dessus des parois internes scorifiées. En contact avec la loupe de fer, quelques fragments de scorie vacuolaire à feuillets se constituent. Le trop-plein de scorie est alors évacué à l’extérieur du four par une ouverture percée dans la paroi de la cheminée, à environ 8 cm du sol de circulation. La seconde technique n’a été identifiée que sur certains amas. Elle se distingue par la présence de scories internes à feuillet de taille importante se composant d’une partie dense sur laquelle repose une partie vacuolaire. Ces scories sont associées à des scories coulées externes, des scories internes argilo-sableuses et des scories internes en grappe. La morphologie des fours dont elles sont issues reste à étudier.

(Caroline Robion-Brunner, mars 2023)