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Les recherches les plus récentes ou en cours à Bitchabé

Fouille en cours d’un atelier de forge dans le quartier X du village de Bitchabé-centre, Fouille en cours d’un atelier de forge dans le quartier X du village de Bitchabé-centre, Crédit : Leberama Bakrobena 2022.

Malgré des travaux de recherche importants, la région de Bassar n’a pas encore livré toutes les informations concernant son passé sidérurgique. C’est ainsi que le programme international et interdisciplinaire SidérEnT (« Sidérurgie et Environnement au Togo », Agence nationale de la recherche) a été initié en 2014, sous la direction de Caroline Robion-Brunner (CNRS). Son objectif est de mobiliser des scientifiques issus de domaines divers (ethnologie, archéologie, archéométrie, géologie, métallurgie, géographie et anthracologie) pour étudier l’histoire économique des métaux. Depuis 2019, ces recherches se poursuivent au sein du programme AFRICA (« Archéologie du Fer : Ressources, Identités, Cultures en Afrique », Commission des fouilles du Ministère français de l’Europe et des Affaires étrangères), avec l’objectif d’identifier les réseaux de diffusion et les lieux de consommation du fer.

Les principaux résultats archéologiques de ces programmes sont la mise en évidence de l’usage de plusieurs techniques de transformation du minerai en masse métallique dans cette région d’Afrique de l’Ouest. Dans un espace de seulement 3500 km2, les métallurgistes de Bassar ont produit du fer selon des modes opératoires différents. L’ampleur de cette diversité des pratiques n’avait pas été entièrement mesurée par les travaux antérieurs. Certes, les disparités de morphologie des fourneaux appartenant aux XIXe et XXe siècles avaient été attribuées à l’emploi de minerais de fer de qualité variable, mais sans toutefois en apporter la démonstration scientifique. C’est, tout d’abord, l’observation macroscopique des déchets sidérurgiques entreprise sur plus d’une centaine d’ateliers qui a permis de déterminer qu’il y avait eu pas moins de cinq techniques de réduction différentes. À Bitchabé, deux variantes à la technique mixte de séparation des scories et du fer ont ainsi été identifiées. Les datations radiocarbones, qui permettent de situer la production de fer brut dans cette zone entre les XIIIe et XVe siècles, ont été réalisées sur des charbons de bois prélevés lors des fouilles des années 1980. Cette périodisation des activités doit encore être approfondie et précisée par une meilleure documentation de contextes bien datés afin de valider l’échantillonnage futur des vestiges métallurgiques (minerai, scories, métal, éléments de bas fourneau, etc.) et des charbons de bois. Ces données ainsi chrono-référencées pourront alors être étudiées en laboratoire afin de définir les techniques d’acquisition du minerai de fer, les modes opératoires et de conduites des fourneaux, de calculer le volume de production de fer, de déterminer l’origine de la matière première utilisée pour la fabrication des produits semi-finis ou finis, d’identifier les essences boisées utilisées comme combustible, et enfin d’estimer l’impact de la sidérurgie sur l’environnement. Avec l’objectif de reconstituer l’histoire des techniques métallurgiques, il sera également important de réaliser des analyses métallographiques d’objets métalliques finis mis au jour en contexte archéologique et de préformes (disques de fer) provenant de contextes ethnographiques. L’objectif sera de comparer les structures et d’identifier ou pas une structure des matériaux spécifique à la méthode particulière d’épuration de la masse brute de fer à la boule d’argile.

(Caroline Robion-Brunner et Lebarama Bakrobena, juin 2023)